mercredi 29 juillet 2009

mardi 7 juillet 2009


Il était une fois



une maison vieille de 300 ans...


dans un quartier historique
d'un village occitan, Saint Ambroix


... et une autre, voisine qui fut démolie à l'arrache par un promoteur. L'argent, toujours l'argent. Le permis de construire tardant [il devait décaisser toute la structure pour faire un parking souterrain !] ...

le mur mitoyen fut laissé en l'état et le terrain vague servit de dépôt
de matériaux et de parc d'
engins lourds passant en noria au raz du bâti...

Et cela dura 13 ans.
La maison "travaillait"... d'autres aussi, mais moins... jusqu'à ce que le mur se décrochât. Dans la foulée, trois fenêtres de voisins avaient été bouchées, ça faisait perdre de la surface... L'argent, toujours...

Donc la maison se fissurait, s'ouvrait.
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"Ne vous en faites pas, Madame Larrivé, on va reconstruire
dès qu'on a le permis et ça consolidera tout..."
Faire un procès vous coûtera un max et ça n'ira pas plus vite...

Premier épisode.

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Mais ça "travaillait" de plus en plus : le mur tiendrait-il et jusqu'aux élections? Il tint. Le voici au moment où on a enfin assigné le promoteur. Hauteur : un "bon" 9 mètres. Le zoom est impressionnant.



Ca s'écarte comme un mille feuille



A présent, ça va très vite. Ca s'agrandit de jour en jour.
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"Ne vous en faites pas, Madame Larrivé,
maintenant, le mur a pris sa place et il bougera plus.
Y a pas d'urgence. On va reconstruire
et tout rentrera dans l'ordre."

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ET JUSTE APRES


Sans prévenir, le sol a cédé d'un coup. L'énorme mur, tirant vers le vide, a entraîné avec lui tous les planchers qui y étaient ancrés... mais il a résisté !
La maison a un aspect étrange de nef d'église.



Peu avant, j'étais allée prendre les affaires de mon fils,
passant et repassant sur cet espace.

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On ne rentrait plus jamais dans les pièces
du fond, au premier et au second...
Mais on allait SOUVENT au rez de chaussée,
dans la pièce sous la voûte qui servait d'entrepôt.

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"Là, ça risque rien, Madame Larrivé, vous avez vu l'épaisseur? "
Oui. Sur ces bonnes paroles, j'ai risqué ma vie.
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L'entrepreneur [dit le King] : "d'un côté c'est bien que
ça ait tardé à caguer, sinon on serait
passés au travers en travaillant."

Personne n'avait prévu que le mur tiendrait mais pas les sols.

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Le procès est gagné rapidement, merci à Ralph Blindauer. C'est le King, l'entrepreneur [associé de notre "partie adverse"] celui qui se servait du terrain comme dépôt de chantier (!!!) qui va se charger de restaurer la maison sous la surveillance d'un maître d'oeuvre comme dit le jugement.

Mais surprise, le MDO, c'est lui. Il se surveille donc lui même, ce qui est la définition même de la sagesse certes... mais enfin...
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Ca rappelle l'histoire du gus renversé par un chauffard ivre...
qui insiste pour le conduire à l'hosto,
s'improvisant également médecin urgentiste...
Je refuse. Je veux un contrôle.
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"Madame Larrivé, soyez contente,
on vous refait votre maison mieux qu'elle était...
Et puis c'est nous qu'on paie..."
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Actuellement, le mur est étayé. Ca plie un peu selon le temps.

Est-ce normal? "Fait chaud !"
(le King.) Ca doit vouloir dire "oui".

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Naissance de la tragédie, le clash



Avant, des pierres (le mur vu de l'intérieur)
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Maintenant...




[j'ai été absente une heure, mon chien de 19 ans est mort dans mes bras.]
... de la bricouflette de 20, "on a pas lésiné, c'est du fort."


comme dans le sketch...
"Ca se fait beaucoup, c'est pratique et très isolant."

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"Ne vous en faites pas, Madame Larrivé,
on va vous mettre du placo devant,
ça sera plus droit et bien mieux qu'avant, vous verrez !"

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"On pouvait pas autrement."

POURQUOI AI-JE L'IMPRESSION QU'''ON" SE FOUT DE MOI ?



C'est la goutte d'eau. J'essaie d'arrêter le chantier.
Le King la joue paternel:
"Allons, faites pas de caprice, laissez nous finir"...

Puis il tente le forcing...
[Il a déjà cassé une vitre en haut.]
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Alors, le lendemain...


Les grand moyens. En faction derrière la vitre, Tess,
la vieille dominante que l'on n'a jamais pu socialiser.
Elle retrousse seulement les babines: dissuasif.
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Le King recule. Je me paie sa tête :
"Ne faites pas de caprice, allons,
l'huissière ne va pas tarder."

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Cette fois, plus d'atermoiements :
"JE VEUX UN MAITRE D'OEUVRE."

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Puis il
feint de s'absorber
dans le resserrage
des vis du Micalac.

"Si on peut pas passer, vous allez payer
cher
l'immobilisation du chantier,
de la grue..."
Tiens, le ton a changé :
du paternalisme à la menace.


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J'ai accroché la banderole.
L'huissière arrive. Le King se lâche :
"
je sais ce que j'ai à faire, le jugement je m'en fous...
les maître d'oeuvre, c'est que des... -d'habitude il dit- bites"...
là, je crois qu'il a trouvé un autre terme. [Pas sûr.]
Constat.
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Ouf, un peu de calme : ils ne rentreront plus
par le balcon à présent. Tranquille...

Je ramène Tess avec félicitations d'usage:
pour une fois, son sale caractère a servi.
[Maintenant, ça va repartir pour un tour, avocat, référé...
mais je les tiens...]


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Et ça continue, ailleurs...


Chez le voisin, au premier, à côté de chez moi,
il y avait un
"léger" affaissement du sol, où les ouvriers passaient
tout le temps... trois fois rien ; une locataire vit juste en dessous.
"Si vous enleviez un ou deux pavés pour voir ?"
"Mmmm"...
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... le King ne parle pas, il "mmmte",
sur des tons divers à apprécier finement :
il y a le "mmm"
-presque- approbatif, le plus rare,
le "mmm" agacé, le plus fréquent, le "mmm" fataliste,
le "mmm" dubitatif etc...
J'insiste: chat échaudé...
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ET C'EST LE VERDICT :
"On va tous passer au travers".
Observez les patauds du fond, soulevés,
signe d'un effondrement imminent.
On l'a échappé belle. Il faut tout refaire. Illico !



Go. C'est déjà presque fait.
La poutre centrale (7 m de portée)
avait fléchi
de 7 cm
au milieu. Le risque était énorme.
Question: et si je n'avais pas tanné le King pour qu'il "regarde dessous" ?

IL FAUT UN CONTROLE DE CES JOYEUX COMPERES !

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Chantier vu de la place de l'Eglise. Spectacle permanent. Le café ne désemplit pas. "Ca va, Madame Larrivé ?" J'y suis dès sept heures. Les maçons sont sympas. L'un est un ancien élève de ma mère : il a été bouleversé en apprenant sa mort.



L'intérieur : l'escalier en pierres de taille, et le mur au fond, très haut, splendide et lugubre à la fois. Un petit "hôtel particulier" pauvre de 300 ans, dans ma famille depuis. Sur la partie "basse" vaguement crépite, j'ai peint "Freya", la Walkyrie. "Elle me tient compagnie" disait la locataire âgée des Cangini, au premier, que personne, jamais ou si rarement, ne venait voir. "Une merveille" a apprécié un employé de Mairie esthète, gentiment, pour pousser sans doute à la conservation du mur. Est-ce elle qui a arrêté le maçon ? ou le coût ? Qui sait ?

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Les voies du King, comme celles de Dieu, sont impénétrables... mais il a décidé -sans rien nous en dire !- de conserver ce mur là entièrement alors qu'il avait annoncé qu'il allait abattre le haut, comme celui de droite, au moins sur 2 mètres depuis la toiture. Surprise surprise, toujours... Tant mieux, là.




Freya a l'air d'accueillir les gens qui entrent. Mais dans l'état où elle est à présent, elle évoque plutôt les derniers jours de Pompéi. Dommage, elle était resplendissante. Je la restaurerai.


L'escalier, magnifique et Freya à l'angle.



La maison vue de la rue Désiré. En apparence, elle semble pimpante...
[A condition de ne pas aller derrière et regarder en l'air.]
Ca a l'air intact: c'est vrai de mon côté, et seulement
dans la première pièce donnant sur rue...
mais pas au fond, ni du côté du voisin comme on
[JE] l'avais intuitionné :
la locataire ou moi même risquions à tout moment
de recevoir le plafond sur la tête.



Mon côté : la galerie-atelier
et la mosaïque, réalisée en attendant le King,
l'as du lapin [ça fait du temps pour assembler les tessons...]


les débris de la maison,
le beau marron clair est celui choisi par ma mère.


ça donne la mesure du temps...
des goûts de Lydie...

... de mon état d'esprit...


Un moyen symbolique de conserver
quelque chose de ce désastre.



Le visage se redessine tout seul,
au hasard des tessons...

D'abord de face : à présent, c'est l'Erynie,
déesse de la vengeance,
armée d'une dague-miroir...



Puis le profil est venu, évident.
Ca change tout le temps.

De plus en plus technique :


comme chez Wermeer de Delf,
dans la dague, l'image de la photographe agenouillée...
(non on ne "voit" rien !)


... de plus en plus figuratif,
pas forcément une bonne chose :
un esthète témoin des différentes versions
dit avoir préféré la première,
bien que maladroite.

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Le côté du voisin, à gauche. La porte marron
ouvre sur le rez de chaussée où vit la locataire...



Vue de derrière. Les étaies parfois s'incurvent un peu. Est-ce normal? ["Mmmm."] Le plancher du premier chez le voisin s'effondrant discrètement... est-ce normal ? ["Mmmm. Rien à voir avec le mur."] Peut-être, mais on est tous passés dessus... et la locataire âgée était dessous.
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SUITE AU PROCHAIN NUMERO.
DEMAIN, UNE REUNION, NEGOCIATIONS.
ON VERRA. SI CA NE MARCHE PAS,
EXPERTISE REFERE : ILS SONT AU TAPIS.
MAIS CA PRENDRA UN MOIS ET COUTERA 3000 €,
REMBOURSES MAIS A AVANCER.
LA JUSTICE N'EST PAS GRATUITE !





Hélène Larrivé, auteur et éditrice :

"Paroles de femmes"... L'"actualité en blog"... "Feu rouge clignotant"...
Livres : Crèches (Seuil); "Noces kurdes" (L'Harmattan) ; "Secret de famille" (Frison-Roche) ; "Lettres à Lydie" ; "Le puits de Célas" ... (HBL)
Comme éditrice : "Le petit garçon qui courait..." (Suzanne Rousseau) ; "Femmes d'Iran"; "Le procès"; "Chants philosophiques"...

"http://larrive.info/" le site
ou http://larrive.blogspot.com/ le sommaire des 13 blogs littéraires d'HBL: le Darfour, l'Iran, les blogs "nature et culture" -sur l'écologie-, la question kurde... plus le blog "fleur bleue" - bêtes et gens dans une galerie d'art particulière (http://animauxetgens.blogspot.com/)- et le superbe blog photo "un chemin perdu dans les Cévennes" (http://chemincasse.blogspot.com/etc...) ]